Mot de la direction artistique :: Saison 13/14

En 2008, ici à Ottawa, on m’a investi d’une mission : celle de gérer des fonds publics destinés à la création de spectacles de créateurs majoritairement de chez nous. Je suis reconnaissante de cette position privilégiée et je me sens garante de cette tribune artistique dont j’ai la garde morale.

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 Crédits Photos: Mélissa Carrier

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Je suis dramaturge, je suis citoyenne. Tout autour de moi, les libertés d’expression, de manifestation, d’opinion s’asphyxient peu à peu au profit de la logique marchande qui elle, se paye la gueule de la moralité. Je me sens de plus en plus désinformée. Le doute chronique s’immisce en moi. Dans mon sommeil profond, je me soupçonne d’aspirer au monde de Disney, même si bien éveillée, je le nie. Les gens autour de moi se transforment peu à peu en moutons de Panurge et paradent dans les rues, de plus en plus nombreux.

Ici et là, j’entends des cris d’indignation qui se perdent dans l’écho des moteurs made in China. Tout autour, l’architecture urbaine, les designs intérieurs, les tenues vestimentaires, la culture que je consomme se dépouillent d’unicité et de singularité. La fascination collective du vide s’installe.

Je considère le Théâtre du Trillium comme un sanctuaire rarissime où je me dois d’accueillir les esprits libres, atypiques, qui ont encore le courage de fuir le conformisme comme la peste.

Le Théâtre du Trillium a été fondé en 1975. À cette époque, ici en Ontario francophone, la culture s’imposait comme une arme de guerre pour la survivance d’un peuple. La compagnie naissait alors sous l’étendard de la prise de parole collective au service d’un théâtre identitaire. Depuis, cinq directions artistiques se sont succédé. Sous ma gouverne, je désire que le Théâtre du Trillium soit ardent défenseur d’une notion qui s’estompe au nez et à la barbe de tous : la liberté d’esprit.

Au sein du Théâtre du Trillium, je m’engage à défendre des dramaturgies ultra-contemporaines qui, sans pudeur ni verni de moralité, s’acharnent à fouiller la vie : celle qui nous choque, celle qui nous habite, celle qui nous entoure. Je n’ai aucune exigence quant au type de théâtre, qu’il soit théâtre engagé ou théâtre de l’intime.

Ce qui m’interpelle est d’abord et avant tout la capacité de l’œuvre d’adopter un point de vue unique sur le monde, que ce monde soit intérieur ou extérieur, vraisemblable ou fantasmé. J’encourage des propositions scéniques qui embrassent sans catégorisation le spoken word ou le corps en mouvement, la musique expérimentale ou la projection vidéo, sans rejeter des propositions scéniques dépouillées où seuls l’acteur et le verbe sont nécessaire pour défendre la parole. La mission de la compagnie permet à la fois de développer de nouvelles dramaturgies/écritures scéniques, à la fois de revisiter des textes d’ici et d’ailleurs. Ottawa étant le début du parcours des spectacles, la plupart d’entre eux sont ensuite présentés ailleurs en tournée.

Le volet d’appui à l’émergence offre des collaborations, de la formation, du mentorat et des vitrines d’artistes émergents qui cherchent à développer une démarche autonome et fonceuse. Le Théâtre du Trillium se veut un facilitateur, un tremplin pour ces artistes indépendants, en pleine effervescence. Dans l’optique d’encourager les œuvres singulières, l’équipe a lancé en 2010 le Lab Gestes. Ce laboratoire englobe toutes les activités en marge de la programmation régulière et change de format annuellement. Il peut s’agir de laboratoires d’expérimentation, de formes courtes, de soirées de collectifs d’auteurs, de déambulatoires, d’œuvres chorégraphiques dans des endroits publics, etc. Cet espace de liberté permet aux œuvres de germer sans la pression de la production, pour parfois être développées par la suite.

Le Théâtre du Trillium est l’une des quatre compagnies fondatrices de La Nouvelle Scène, lieu principal de diffusion du théâtre local francophone à Ottawa. Chacune des compagnies possédant une double vocation de producteur et de diffuseur, la compagnie accueille régulièrement des productions du Canada francophone, du Québec ou de l’étranger.

Dans un esprit de vivification de notre milieu artistique qui s’avère isolé géographiquement, mon équipe et moi sommes à mettre sur pied différents types de réseaux de circulation artistique, tant avec le Québec que l’Europe. Loin de s’avérer de vulgaires échanges de marchandises, ces dialogues permettent d’encourager la circulation de nos artistes au sein des spectacles, d’organiser des classes de maître, de mettre sur pied des laboratoires de recherche ou tout type de collaboration pouvant aller jusqu’à la coproduction.

En 2008, ici à Ottawa, on m’a investi d’une mission : celle de gérer des fonds publics destinés à la création de spectacles de créateurs majoritairement de chez nous. Je suis reconnaissante de cette position privilégiée et je me sens garante de cette tribune artistique dont j’ai la garde morale.

Je lève mon chapeau à l’équipe permanente et aux créateurs associés de qui je reçois une réelle confiance, des jusqu’au-boutistes de la pire espèce, de fidèles fervents du projet artistique qui se dessine avec eux, grâce à eux, par eux, de véritables battants qui s’inscrivent et assument leur place et responsabilité dans un projet collectif et citoyen, des membres d’équipe et des artistes généreux, passionnés, qui doutent juste assez pour nourrir la réflexion et jamais trop pour faire perdre de la force au projet, une équipe qui sait enjamber les embûches, accueillir les défis, comprendre la nécessité d’une dynamique humaine riche et empathique. Sans eux, le projet ne serait pas ce qu’il est. L’inspiration et la persévérance me manqueraient horriblement.

 

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Anne-Marie White, Directrice artistique

La programmation complète de la saison 13/14 de La Nouvelle Scène (et de ses 4 compagnies fondatrices) sera dévoilée en septembre 2013.

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